Difficulté de mise en oeuvre

Témoignage

« Je suis enseignant en SESSAD (Service d’Education et de Soins Spécialisés à Domicile) et accueille des élèves en petits groupes, de 2 ou 3. Ces élèves sont porteurs de troubles complexes de la conduite et ont pour la plupart un passé scolaire douloureux fait d’échecs répétés, ce qui entraîne une forte dégradation de leur estime de soi.
Avec ces élèves, j’ai souhaité travailler en lecture suivie sur L’Illiade et l’Odyssée avec le tableau blanc interactif (TBI) pour construire une carte interactive, présentant les différentes étapes du récit. La plus-value de l’utilisation de ce support auprès de ces élèves se trouve tout d’abord dans l’implication qu’il permet dans une démarche d’essais et d’erreurs. En effet, l’erreur chez ces jeunes est mal vécue, perçue comme le miroir d’un échec, alors qu’elle fait partie intégrante d’une démarche d’apprentissage. Aussi, alors qu’avec un support traditionnel, l’engagement dans la tâche est freiné par le rejet de traces écrites pouvant renvoyer à leurs erreurs, le TBI permet ici aux élèves de faire des allers-retours, d’effacer, de recommencer, sans laisser de traces de leurs essais parfois infructueux. Ainsi, alors qu’ils manifestent, de par leur handicap, de grandes difficultés à prendre des risques et à gérer l’incertitude que constitue l’engagement dans les apprentissages, ils ont été en mesure, grâce au TBI qui permet de ne garder que les traces abouties, de produire des résumés, illustrés par des images, auxquels ils leur était possible ensuite de se référer pour étayer la compréhension du texte.
Parallèlement, les différentes étapes de la construction de cette carte interactive sont enregistrées au fur et à mesure, permettant à la fois à chacun de suivre l’évolution du projet et aux élèves de se voir en train de la construire. Cette possibilité de consigner les étapes intermédiaires du projet offre une réponse intéressante au rapport binaire qu’entretiennent les élèves avec le savoir : en effet, ceux-ci connaissent le « je sais » et le « je ne sais pas », mais ont une perception très floue du « je suis en train d’apprendre ». Ici, le retour aux étapes intermédiaires présente l’avantage d’offrir un support d’explicitation de ces étapes, autour duquel un travail de métacognition permettant de construire des apprentissages et des compétences est possible.

Enfin, ce travail collectif a permis de donner du sens aux apprentissages spécifiques menés en maîtrise de la langue, géographie, … qui sont alors apparus comme étant au service d’une œuvre dont l’objectif est visualisable grâce à cette carte qu’on voit s’enrichir au fil du temps. Dans ce cadre, les activités scolaires menées de manière plus traditionnelle prennent du sens pour ces élèves qui ont des déficits importants dans leur capacité à réinvestir les enseignements reçus, ce qui favorise l’entrée dans les processus cognitifs nécessaires à la compréhension et la production de textes narratifs. »